Début avril, je retourne à Brindisi préparer Tamm Liorzhig pour de nouvelles aventures.
Ce
sera la Grèce, pour une ou deux saisons. Cette année, en principe, les
îles ioniennes, le Péloponnèse, Athènes, les Cyclades, Le Golfe de
Corinthe et l'hivernage, probablement à Preveza.
Pour
faciliter la lecture, je vais ouvrir un nouveau blog à compter des
prochaines navigations; mais rassurez vous celui ci restera encore
lisible.
Un nouveau BLOG va accompagner la navigation de Tamm Liorzhig à partir de maintenant. Notez en bien l'adresse.
Moment de régate entre les îles de la Maddalena; moment, qui en excite certaines, en laisse une autre de marbre; puis approche de Santa Maria à lécher la falaise abrupte dans une belle lumière de fin d'après midi.
Depuis
5 jours, soufflait un vent de Nord-Nord Est, suffisamment désagréable et
costaud pour annihiler ma volonté de quitter Brindisi pour Korcula en Croatie.
L’équipage léger et une grosse bronchite partagent probablement aussi la cause
de cette mollesse. Enfin, ce lundi matin, une belle amélioration pointe le
museau et décide Tamm Liorzhig à sortir de son trou à midi après un plein de
gazole. La mer est encore formée, mais le vent qui faiblit progressivement nous
promet une nuit facile : ce sera tant mieux, surtout pour Anne Aubry,
seule avec moi, et, dont c’est le baptême de nuit en mer. Il était vraiment
temps de partir, Béné, Pierre et Anne Coville sont déjà arrivés là bas. Je les
imagine pressés de l’arrivée du bateau.
Pourtant,
il leur faudra patienter jusqu’à 20
heures, le lendemain pour voir les feux de navigations marquer l’arrêt dans la
crique d’Uvala Luca. Le bateau n’a jamais, au cours de cette traversée, pu
atteindre les 5 nœuds, sauf à dépasser les 2500 tours, (nous étions au moteur).
En fait, la carène un peu grasse et
surtout l’hélice très salie par deux mois d’immobilisation au port ont
énormément ralenti notre progression. Vers 15 h, le 23, Tamm Liorzhig est à 20
miles de l’arrivée ; le constat de la jauge du réservoir proche de zéro,
m’inquiète au plus haut point : allons nous arriver à Korcula ? La
chance était avec nous : le moteur à tourné sans tousser jusqu’au
mouillage. Sur 150 miles, la consommation a atteint 130 litres, (il ne devait
pas rester 1 litre dans le réservoir !) Impressionnant le phénomène hélice
sale !
Tout
est bien qui finit bien, nous voila tous rassemblés devant un ti punch, prêts
pour de nouvelles aventures. La fraîcheur extérieure contraste avec le bien
être du carré, où, autour du programme des jours suivants, le ton est vite monté ! Demain, c’est
courses et balade en ville avant le prochain mouillage distant… de 2 miles,
avec au barbecue brochettes de poulet (c’est ça la Croatie en bateau !).
25
septembre
Retrouvailles
en début d’après midi des trois bateaux à Otok Scedro, entre Korcula et Hvar, dans
la crique de Monastir. Manque de chance, très vite, le vent se lève fort à
l’ouvert ; rapidement Askellic et Tamm Liorzhig chassent de leur mouillage
sur fond de posidonies. C’est un déménagement obligé vers la crique suivante
plus abritée et dotée de bouées (merci Single Malt d’en avoir facilité la prise
à Tamm Liorzhig) Dans cet endroit un peu encombré, la place pour manœuvrer
limitée et le fort vent ne rendent pas les choses aisées : Pauvre Askellic qui
loupe son amarrage, prend une ligne de mouillage dans son hélice et termine sa
course en perçant de son étrave le bordé d’une grosse vedette allemande.
Jean-François n’avait de sa vie jamais abîmé un bateau : il en est tout
retourné. Heureusement, le constat se déroule avec le plus grand fair play.
Les
deux jours suivants se passent pour tout le monde à Hvar, mouillés sur pendille
au port, petit St Trop et haut lieu de la Jet Set. Tout y est cher sauf le coup
d’œil : pourtant, il aurait été dommage de manquer cette halte, notamment
la vue depuis le fort Spaniola, qui domine cette baie, et, la belle place
principale avec son pavement de grandes pierres. Se retrouver en fin de journée
sur les bancs du quai, encore tout chauffés de belle lumière, est un vrai
bonheur.
28
septembre
Le
mouillage à Split, après une navigation avec un petit vent de fond de culottes,
sous une lumière exceptionnelle, est à la fois une horreur et un très grand
bonheur. L’horreur reste toute relative, d’abord du fait d’un ancrage en rade
avec environ trois épisodes quotidiens où le bateau roule (vraiment parfois
beaucoup au point de faire valser la vaisselle), pendant 15 à 20 minutes
d’affilée ; ensuite, et, pour certains, c’est de loin le plus gênant, des
odeurs d’égouts en fonction du sens du vent (nous en avons eu une grosse dose).
Le bonheur, lui, fut, pour moi, immense
de vivre plusieurs jours, au mouillage, avec cette vue sur cette ville
magnifique, si riche d’histoire. L’énorme palais de l’empereur Dioclétien positionné en front de mer et abritant, au fil des siècles tout le cœur de la
ville, (au moyen age, les habitants de la région viennent s’y réfugier). Il est
possible, du cockpit, de contempler en toute quiétude ce spectacle, ou, de
gagner avec l’annexe, en moins de 5 minutes, par la porte maritime, l’enceinte
du palais, les vieux quartiers, ainsi que les marchés. Ceux-ci offrent beaucoup
de plaisir à l’œil et aux papilles : étals multiples riches de fruits et
légumes variés, superbes poissons frais. Nous n’en n’avions encore jamais vu d’aussi beaux depuis notre arrivée en juillet.
30
septembre
Pierre
et les deux Anne quittent Tamm Liorzhig qui accueille Christiane. Béné et moi avons fort envie de la bichonner. Deux heures et demi de route moteur mènent les trois bateaux à Bobovisce, jolie
ria tranquille (mais payante) à la pointe Nord Ouest de Brac. Pot sur le quai
et le lendemain balade en matinée au petit village quasi montagnard de Lovisce
avant de gagner le port de Milna pour la nuit, cul à quai. Comme toujours,
c’est si charmant et si abrité qu’on se demande pourquoi ne pas hiverner ici.
02
octobre
Même
avec un vent de 20 nœuds, les Plakeni (îles découpées en forme de feuille de
chêne) offrent un abri confortable dans les replis de leur relief. Maintenant,
Tamm Liorzhig va monter encore un peu au nord, tandis que Single Malt et
Askellic vont faire route vers Dubrovnik, puis les Bouches de Kotor au
Monténégro : c’est l’apéritif d’adieu avant les retrouvailles début
novembre à Brindisi. Pas mal le petit bain de midi : l’eau à 19.5° nous
rappellerait presque notre Bretagne (dans les bons étés !)
04
octobre
Hier,
nous avons profité de 10 nœuds de vent portant pour faire un peu de voile
plaisir. Résultat : une arrivée entre chien et loup à Necujam sur Otok
Solta. L’endroit est triste mais heureusement assez bien abrité. Ce samedi
matin, la bora pluvieuse prévue est arrivée. Il nous faut capeler les cirés,
prendre un ris et faire route moteur, afin de ne pas allonger le pensum du vent
dans le pif pour les dames, (pour le skipper aussi). Vers 13 heures Trogir nous
accueille au mouillage, calme malgré le vent toujours fort. Petite ville très
touristique, vraiment belle où l’on sent les influences romaines grecques et
vénitiennes Le centre historique médiéval de Trogir, entouré de ses murailles,
comprend un château et des tours préservées, ainsi que différent palais et
demeures particulières datant des périodes romane, gothique, renaissance et
baroque. Le plus important édifice de la ville est la cathédrale Saint Laurent.
06
octobre
Alors
que Christiane va retrouver les brumes du nord, sur Tamm Liorzhig arrivent Jean
et Jeannette plus habitués à la pêche promenade qu’à la navigation à voile :
en fait, ils vont se faire à cette vie sans aucune difficulté. On pourrait même
penser, mis à part la robe de chambre en soie, bleu électrique, de Jeannette,
qu’ils avaient déjà une longue pratique de ce type de navigation. Sur les bords
de l’anse complètement sauvage de Razetinovac, à 3 miles de Trogir, une
cueillette d’olives permet de remplir quatre bocaux : allons nous réussir
la préparation ? (Saumure à concentration variable pendant près de six
mois) Réponse au printemps 2009. La constance de Jeannette à espérer remonter du poisson est impressionnante: elle ne fut pas récompensée pour autant!
10
octobre
Drvenik
est un petit port charmant et tranquille, un peu hors circuit, desservi matin
et soir par un ferry qui apporte tout, y
compris le pain. Le long d’un bout de quai peu fréquenté, c’est le calme.Cela contraste avec Primosten où nous avons laissé, hier, Béné rentrer vers la
Bretagne. Là, amarré à quai, nous pensions être pénards au pied de cette jolie
bourgade. Hé bien non : toute la soirée et jusque tard dans la nuit une
bordée de polonais a mené une java alcoolisée d’enfer à bord d’un Sun Odyssey
45.
C'est la première fois que cela nous tombe dessus en Croatie. Cela n’a pas
empêché de savourer ce village bâti sur son promontoire, avec au sommet son église
entourée du cimetière : l’ensemble domine la mer et ouvre vers l’archipel
des Kornati. Couchers de soleil et petits matin y sont sublimes.
12
octobre
Tandis
que Jean et Jeannette sont repartis, Paul et Robert embarquent depuis Split à destination de Brindisi. En
quelques jours de grand beau temps, le plus souvent au moteur,Tamm Liorzhig
fait route vers Dubrovnik avec des arrêts dans des criques (uvala) toute plus
belles les unes que les autres, quasi désertes : Uvala Luka (Brac), Banja
et Uvala Luka (Korcula), Luka Polace (Mljet), Sipanska (Sipan) J’ai beaucoup de
joie de revoir ce village (c’est la quatrième fois) et de le faire découvrir à
mes amis.
18
octobre
Malheureusement, les mauvaises nouvelles de
mon papa, hospitalisé et maman pas trop bien non plus, vont me faire quitter le
bord le 19. Dans cette difficulté, j’ai beaucoup de chance de pouvoir confier,
sans appréhension, mon cher Tamm à Paul et Robert : ils vont prendre le
temps de poursuivre la balade croate avant de le ranger sagement à Brindisi le
26. En plus, je quitte le bateau au petit matin par le vieux
« Postira », ferry quasi antiquité, aux machines haletantes,
desservant cependant, les îles voisines de Dubrovnik avec la régularité d’un
métronome.
04
novembre
Petite
resucée de navigation avec Denis et Marie-Noëlle, pour une semaine de
Toussaint vento-pluvieuse, qui nous mène
à Monopoli, port de pêche très actif à 36 miles au Nord Ouest. Arrivant à 16
h30, c’est déjà presque la tombée de la nuit ; il vente sec à 30-35 nœuds,
les pêcheurs rentrent tous les uns après les autres et la toute petite marina
est impraticable de ressac. Nous nous collons tant bien que mal contre un
chalutier rugueux, mais à l’abri du clapot. Il faudra déménager à 2 heures du
matin pour laisser sortir notre voisin. Ce port n’est pas vraiment adapté à la plaisance ;
heureusement, seuls dans ce cas, nous sommes gentiment acceptés. Le 06, Tamm Liorzhig
fait route vers Brindisi ; pour cette dernière navigation de l’année, le
vent des plus variables, passe de 20 à 0 nœuds et du nord au sud. Nous finirons
au moteur après une tentative d’entrée dans le port de Savelletri, qui s’est
soldé par un bref échouage, pour cause d’ensablement. A minuit, le bateau est
amarré au ponton. Pendant deux jours nous allons visiter les alentours en
voiture : Lecce, Otrante avec un bain pour les accros, Alberobello et ses Trulli,
Poligliano A Mare et sa falaise, avant de commencer la préparation d’hivernage
(nettoyage, traitement des inox, déverguage et mille petites bricoles pour
faciliter la « campagne » 2009) Mon élan de travaux, brutalement
stoppé le 13 par une méchante entorse de cheville, s’est transformé en lecture
obligatoire et non stop jusqu’à mon avion du 19. Un immense merci à Vincent et
Alessandra pour leur aide à finir ce que je ne pouvais plus faire.
Vivement
mai 2009 pour continuer l’aventure avec les mêmes et d’autres aussi!
Depuis Aout, la page est restée vierge! Certains s'en émeuvent: le blogde Tamm Liorzhig reste scoché au même point. Pourtant la navigation continue, toujours aussi belle et riche de découvertes: La Croatie quelle destination de rêve. Je vous promets de vous relater cela un peu plus tard quand le temps me le permettra. A bientôt.
Me
voilà depuis trois semaines en Bretagne, pour retrouver les miens, les amis et
la fraîcheur… mais quelle
fraîcheur ! En voyant les groupes déambuler, bottés, cirés capelés,
poussettes capotes fermées, on peine à imaginer le ciel immuablement bleu, les
33° et les bains régals dans une eau à 28° de cet Adriatique où Tamm Liorzhig
attend sagement (je l’espère !), notre retour à la mi septembre.
Pendant
plus d’un mois, du 9 juin au 16 juillet, la Croatie a comblé les équipages successifs :
Denis et Marie-Noëlle, Dominique et Brigitte, Christophe et Agnès, Fanny, puis
Marie. Il nous a cruellement manqué Benoît et Christiane, empêchés par la
maladie, mais très présents dans nos pensées.
Point
besoin de bouffer des milles pour profiter de lieux, tous plus paradisiaques
les uns que les autres. Naviguer autour de quelques îles, relativement proches
de Dubrovnik, nous a déjà rempli de bonheur. Kolocep, Lopud, Mljet, Korcula,
Lastovo, Sipan : pas une n’est moins belle que l’autre. Pendant cette
période, Tamm Liorzhig est venu jeter sa pioche au moins deux fois à chaque
endroit, tant leur beauté est attirante. Toutes ces îles, sont très vertes, exceptée
Lastovo, avec de multiples mouillages enchanteurs, souvent quasi refermés et
hyper abrités (Luka Polace et Okuklje sur Mljet en sont des exemples parfaits).
Malgré le nombre de bateaux (« sunsail » est roi là bas), et du fait
de la myriade d’abris, les haltes restent tranquilles, même parfois sauvages
comme Skolje dans le sud de Mljet. Ce mouillage, peu profond (3.5 m), coincé
entre l’île et un îlot rocheux, pelé, couvert de goélands piailleurs, nous
rappelait quelque chose de nos Glénan chéris… mais avec deux bateaux seulement
pour la nuit ! C’est aussi pratiquement le seul endroit de pêche
fructueuse : avec un fil, un hameçon N° 9 et un reste d’encornet,
Christophe a réussi la prise d’une dizaine de petites dorades (petites, c’est
sûr, car elles tenaient toutes au barbecue ! mais ici, évènement
remarquable : elles ont fait le régal d’un dîner).
Le bonheur, c’est aussi de conduire la
navigation au gré de son désir, de sa fantaisie. De décider de s’arrêter à la
crique suivante, même si on ne fait que
3 milles, de se baigner en pleine eau, juste pour se rafraîchir, de sauter à
l’eau au réveil à 6 h ou avant d’aller dormir à 22 h (un des gros avantages des
baignades multiples est aussi la faible consommation d’eau pour la
toilette : sans se priver, 500 litres à 4 pour 3 semaines, sans refaire le
plein). De partir tôt marcher sur les sentiers odorants comme à Badija. Cette
petite île, toute paisible, satellite de Korcula, abrite un ancien monastère,
superbe, au bord d’un quai et transformé en lieu de vacances ; les daims
sortent du bois, en soirée, et cherchent leur pitance dans les reliefs des
pique-niques. Ils m’ont emboîté le pas, lors du débarquement de mes sacs
poubelles et suivi comme des petits chiens !
De
ce que nous avons vu, pour le moment, seules quelques agglomérations méritent
réellement de s’y attarder. Bien sûr, et en premier lieu, Dubrovnik, vieille
ville fortifiée à visiter tôt le matin, autant en raison de la chaleur que de
l’afflux de touristes qui inondent les ruelles pentues à partir de 10 h (de 2 à
4 paquebots y déversent presque quotidiennement 1000 à 1500 personnes !).
Korcula, ville principale de l’île du même nom est une Dubrovnik en réduction, toute aussi intéressante, ceinturée de remparts en aplomb sur le rivage, mais
assez tranquille. Au mouillage, dans l’agréable baie attenante d’Uvala Luka,
Tamm Liorzhig a réussi, par chance, à éviter la taxe- racket de 140 kuna (pas
de pot, par contre, pour Askellic et Single Malt). Par la suite, nous avons
compris comment y couper : il suffit de quitter cette anse vers 17 h,
avant l’arrivée du « taxeur », pour l’île voisine de Badija,
distante de 2 milles, et de jeter l’ancre devant le monastère. Dans cette
région, quelques mouillages sont payants (nous nous sommes fait
« avoir » ainsi à Okuklje), mais ils semblent rares, et, finalement,
relativement faciles à éviter. Ces désagréments, d’autant plus injustifiés à
nos yeux que le bateau doit s’acquitter d’une taxe de séjour conséquente (1300
kuna pour un an) restent marginaux dans l’ensemble. A mon sens, et
contrairement à des idées répandues, le séjour maritime en Croatie n’est ni
plus, ni moins cher qu’en France, à condition, toutefois d’éviter les marina au
maximum – ce qui est assez facile et fait un des grands charmes de cette navigation.
L’île de Sipan a séduit tout le monde,
pourtant elle ne figure quasiment pas dans les guides : c’est peut-être
pour cela que nous l’avons tant appréciée avec ses deux petits ports,
authentiques lieux de vie locale simple. Le principal, Sipanska Luka, tout au
fond d’une longue baie orientée nord, avec de très belles vieilles maisons,
bordé d’un côté par un jardin public de palmiers, d’hibiscus et de jasmins,
animé de quelques restaurants simples avec du bon poisson, et quelques bateaux
de travail (une des seules îles où la pêche est un peu active). Nous avons pu y faire l’emplette d’excellentes
sardines de la nuit, un régal au barbecue. De nombreuses maisons en mauvais
état, voire abandonnées semblent témoigner du passé récent et douloureux de ce
pays : des gens d’ethnie différente (serbes ?) vivaient-ils ici avant
la guerre? Ont-ils du partir ? Ont-ils été chassés ? Faute d’avoir pu
discuter avec les locaux, en partie à cause de la barrière de langage, nous
n’avons que des supputations. Probablement, les plaies de cette période ne sont
pas encore cicatrisées. Par ailleurs nous avons été frappés par la gravité,
pour ne pas dire la tristesse des Croates : est-ce lié à l’âme
slave ? Est-ce une séquelle de leur histoire ? Les seuls avec
lesquels une trop courte discussion s’est engagée, un père et sa fille, une
heure avant de quitter la Croatie pour l’Italie, vivent en France depuis de
nombreuses années et reviennent dans leur île l’été pour restaurer leur maison.
Leur gaîté et leur légèreté m’ont frappé. Nous avons juste eu quelques instants
pour effleurer l’histoire récente : a demi mot, j’ai compris que cela
semble toujours difficile, douloureux et avec des rancoeurs. Côté sud, le petit
village de Sudurad, adorable avec son port miniature de barques de pêche, offre
un mouillage abrité des vents de secteur nord et en prime la cueillette de
câpres dont les jolis buissons sortent des vieux murs : délicieux, à
l’apéritif, marinés dans du vinaigre !
Lopud
et Kolocep, toutes deux aussi sympathiques ont pour elles d’être à une heure de
la marina de Dubrovnik : premières escales d’un départ tardif ou dernier
bain avant l’aéroport. Les caprices de vents d’orages, avec rafales à 30 nœuds
et virant de 180°, à deux reprises, ont forcé deux changements de mouillages,
entre ces îles, en première partie de nuit: rude pour Béné à la manœuvre et
pour Fanny, embarquée le jour même ! C’est de Lopud, depuis son anse sud,
que Tamm Liorzhig quitte la Croatie le 16 juillet, à 16 h, destination
Brindisi. Jusqu'à 3 h, c’est navigation train d’enfer, 28-35 nœuds de NW, 8-
9.5 nœuds sur le fond, 2 ris et demi génois, au petit largue : une
première pour Marie (18 ans) plus pratique des entraînements et régates de haut
niveau en baie de Quiberon. Mais c’est une équipière de grande classe : bien
que secouée par une mer forte, elle a dominé impeccablement les routes des
cargos au milieu de l’adriatique, maniant comme une vieille routière le compas
de relèvement. Au petit matin, comme prévu, le vent tombe, la mer également
(c’est vraiment une caractéristique méditerranéenne que cette mer « soupe
au lait »), au moteur nous gagnons Brindisi, pour ranger et nettoyer avant
de retrouver la Bretagne pendant 2 mois.
Petite
anecdote amusante
Au mouillage de mi journée, devant le village de
Lopud, l’envie soudaine d’Agnès d’un gros poisson rouge corail, mi bois mi
tissu, beau trophée de 35 ans de mariage, que son Christophe chéri, n’écoutant
que son cœur, part lui quérir à la nage. Sur un radeau de fortune, fait d’une
bassine ficelée sur un parbattage plat, voguent à l’aller sandales et carte
bancaire, puis au retour
s'y est ajouté le cadeau tant désiré, escorté du jeune
couple au septième ciel.
Moralité : l’amour transporte…même les cartes
bancaires, mais quel épuisement !
Le
15 en fin d’après midi, Béné et les amis Desbordes – Bimbenet, sont arrivés
comme prévu et sans difficultés à la Marina de Dubrovnik. Quant à Patrick, et son amie Violaine, ils étaient
repartis la veille au soir retrouver la Bretagne, via une visite de Vienne,
profitant du gentil accueil d’Anita.
Mardi 17 juin, Béné et les 4 compères crapahutaient dans les
collines de Mljet en randonnée odorante de jasmin sauvage et de pin d’Alep. Le
vent soufflait fort (18 – 26 nœuds) sur
ce mouillage extrêmement abrité, aussi je n’ai pu me résoudre à refaire cette
balade avec eux de peur d’un dérapage de mon canot. Cela m’a permis aussi un
peu de tranquillité d’écriture ! J’avais eu la chance de faire 4 jours
plus tôt cette petite randonnée avec
Francine et Jean François
Dans
mon dernier récit, Tamm Liorzhig, arrivait le 31 mai à Gallipoli, jolie ville
fortifiée, où domine l’ocre et le blanc, évoquant un peu la belle Essaouira
(nous y étions amarrés au port de pêche, sous la citadelle, en la compagnie
sympathique des ramandeurs). Après, il y a eu Otrante. Cette superbe petite ville, également entourée de
murailles, très léchée, contrairement à la précédente, nous a ravi. D’abord,
par un mouillage forain en plein port avec une eau cristalline pour de délicieuses
baignades ; ensuite, par sa cathédrale remarquable avec un pavement de
mosaïque assez extraordinaire, recouvrant l’ensemble du sol. Cette œuvre a été
conçue par Pantaleone, artiste local au XII siècle ; elle représente l’arbre de la vie : impressionnant
de beauté. Par contre, l’escale précédente, ne nous laissera pas le même
souvenir enchanteur : Santa Maria di Leuca, tout à fait à la pointe sud du
talon italien, est une station balnéaire prétentieuse et « kitch »,
avec bien sûr, des tarifs de marina dans le ton !
Dernière
étape pour Roberto et Paulo, Tamm Liorzhig nous mène à Brindisi, établie en
bordure d’une profonde double ria ; amarrage au quai, en plein centre
ville, animé et bruyant, excellent repas d’adieu de calamars grillés, dans une petite
ruelle pentue.
Nous
quittons Brindisi le 8 juin avec Patrick et Violaine, juste sortis de leurs
examens et fatigués, destination en Croatie l’île de Mljet (prononcer
millette), atteinte en 24 heure (133 milles), nuit de veille où les cargos
descendant l’adriatique ont vite laissé place à un immense orage, allant des
côtes italiennes aux croates, avec d’énormes éclairs zébrant tout le ciel et
illuminant la mer de leur puissance. Je me suis, à maintes reprises, angoissé
de recevoir un pruneau (Askellic, qui naviguait en notre compagnie, s’est fait
la même réflexion) ; il doit y avoir un Bon Dieu pour la racaille !
Patrick et Violaine, de quart ensemble jusque 02 h30 ont semble-t-il assez bien
dormi pour ré-ouvrir l’œil à 11 h. Quelle récompense que l’arrivée au contact de
cette île enchanteresse de verdure, de baies toutes plus tortueuses et fermées
les unes que les autres, et, de tous petits hameaux de simples maisons de
tuiles rouges. Luka Polace est un paradis : baie fermée sans clapot,
malgré 25 nœuds de vent, sur ancre et un bout arrière dans les sapins. La
randonnée dans les collines qui dominent le mouillage, mène sur un lac salé,
autrefois aménagé par des bénédictins avec moulin à marée (hé oui ! en
méditerranée aussi), puis surtout à un petit restaurant au bord de l’eau, où
l’accueil est cordial et les calamars grillés au feu de bois, absolument
succulents ; n’est ce pas les amis !
Au
petit village de Korita, dans le sud est de l’île, nous avons eu la chance
d’une rencontre extraordinaire. Ce vieux bourg, presque un hameau, en partie en
ruines (restes de la guerre ou abandon ?) abrite encore quelques vieilles
personnes. En marchant dans les ruelles à la recherche de l’église, nos regards
croisent celui d’une femme âgée vêtue de noir ; après un instant
d’interrogation lue dans son regard, des sourires chaleureux s’échangent. Nous
voila invités sous la treille de son jardin autour d’un verre de raki :
sans aucun mot à notre disposition, tout s’était dit dans le regard. Cette
dame, elle s’appelle Amélia, a un fils
qui vit à Paris et s’est marié là bas. Ceci peut expliquer son désir de nous
rencontrer. Il faut penser qu’elle a l’accueil facile car un jeune couple de
Slovènes, en vacances ici, parlant français et anglais, se sont aussi retrouvés
là autour de la table : tout cela fut un moment extraordinaire d’émotion.
Ce mercredi, la météo est plus clémente
l’équipe est en route au portant, sous génois seul, pour l’île de
Korcula : il semble que la ville soit très très belle. Askellic est de la
partie, tandis que Single Malt, à Dubrovnik, panse ses plaies électroniques, suite aux violents orages des jours précédents (probablement dur dur pour son
porte monaie !)
Sur le bateau la vie est dure avec les amis:
lever 6 h, bains dans une eau transparente à 25°, soleil en abondance et paysages somptueux. On pourrait y rester des mois sans se lasser: Quel bonheur!
Il
est 9 heures, Tamm Liorzhig à quitté Crotone peu après le lever du jour, à 5h
30, en essayant d’être discret, pour ne pas réveiller nos voisins, arrivés la
veille au soir, comme nous, mais eux de Naxos, en Grèce à 150 milles de là. Crotone,
petite ville sympathique et animée, vit entre plage, ports de pêche et de
commerce, protégés par le cap Colonna (avec sa remarquable et unique colonne
grecque : vestige d’un temple ?) On a vite fait le tour de la vieille
ville aux étroites rues en dédale à l’ombre d’une imposante forteresse, apparemment
peu entretenue ; du quartier portuaire avec ses nombreuses poissonneries,
très modestement achalandées.
Au
milieu de cette baie, à quelques milles de la zone portuaire, trônent 4 grosses
plateformes d’exploitation gazière, enjeux de grogne locale, avec, si j’ai bien compris le projet de leur démantèlement.
Nous sommes passés au pied de l’une d’elle, juste au levé du soleil, en faisant
route en direction de Gallipoli, distante de 68 milles. Pour l’heure, après 10
minutes de spi, le bateau est au près par 10 – 14 nœuds de vent, sur mer
plate : bien agréable. Ce vent va-t-il nous accompagner ainsi toute la
route ? J’en doute un peu, si j’en crois les fichiers météo pris hier soir
au Cyber café.
Il y
a 15 jours, déjà, nous abordions la Sicile, à Marsamemi, après une navigation
« tonique » au largue, à 7 nœuds de moyenne, pour 2 jours plutôt
farniente. En effet, Marsamemi est une bourgade endormie, telle que décrite
dans le guide ; cet ancien port de pêche thonier pratiquait la technique
décriée de la matenza avec de grands filets, barrant le passage des poissons
les conduisant à la chambre de la mort où ils étaient hissés à l’aide de crocs
sur des barges (il faut savoir que leur poids pouvait dépasser les 200 Kg) Il
semble, que la raréfaction de l’espèce et de leurs passages à la côte, ai fait
abandonner la méthode et péricliter un port assez peu fonctionnel (petit et
faible tirant d’eau)
Quel
spectacle que l’arrivée à Syracuse par fortes rafales de sud ; les 3
bateaux entrent à toute allure dans cette grande baie de 3 milles de diamètre,
presque refermée entre le cap Murro di Porco et l’île Ortiga où est construite
la vieille cité, lieu des affrontements entre Grecs et Romains. De cet ensemble
de toute beauté, on peut retenir : le dédale des ruelles avec les
immeubles de style baroque aux balcons travaillés ; la cathédrale, elle,
romane, splendide de dépouillement, dont les murs latéraux incluent les hautes
colonnes de l’ancien temple sur lequel elle est bâtie, tout simplement
somptueux et émouvant ; le marché du matin, bruyant et animé avec ses
commerçants vantant à n’en plus finir leurs produits, légumes, fruits,
poissons, fromages (on a envie de tout acheter !)
C’est
aussi la ville d’Archimède, savant que tout navigateur aime bien. C’est lui qui
conçut, aussi, entre autre de grands miroirs capables de mettre le feu aux
voiles des bateaux romains.
La
marina n’est pas à la hauteur de ses très chers tarifs (peu abritée du vent de
sud, le clapot y lève ; ni Internet, ni, et c’est un comble, météo à la
capitainerie. De plus pour couronner le tout des toilettes très spartiates !
Aussi, Tamm Liorzhig va passer 2 nuits paisibles et gratuites à l’ancre, en
rade (il est, cependant possible de se mettre cul au quai de la ville ;
c’est gratuit, on ne paie que l’eau et le courant utilisés, mais par vent de sud
c’est intenable, voire dangereux pour le bateau)
Robert,
ancien collègue de l’hôpital est arrivé : sa première destination sera
Catane après Brucoli et sa toute petite ria, trop peu profonde pour nos
bateaux. Catane, plusieurs fois détruite par les éruptions de l’Etna, bien que
d’aspect sévère avec ses constructions en pierre de lave grise, presque noire,
reste une ville gaie, aux terrasses de bistrots animées, loin d’être aussi sale
que le décrivent les guides. Le 24 mai, malgré un gros nuage au sommet du
volcan, toute la fine équipe monte découvrir ce lieu mythique où les entrailles
de la terre surgissent encore. En ce moment, d’ailleurs, une éruption modeste se déroule sur la face
NE. Il nous faudra 3 bonnes heures de bus, téléphérique, puis gros 4 X 4, pour
parvenir au sommet : pentes de lave noire, semées de bombes volcaniques,
avec encore la présence de congères noircies. Avec un guide, en une petite
heure, les groupes marchent autour d’un des derniers cratères. A 3000 mètres,
il fait froid (5° – 8°) et un vent fou. Bien qu’équipés chaudement, cela
transperce. Le guide creuse un peu le sol, en sort des cailloux brûlants,
véritables bouillottes dans nos poches. Ca et là de la vapeur exhale du sol :
comment notre bonne vieille planète fait-elle pour distribuer cette énergie
depuis tant de millions d’années ? Comment imaginer se servir mieux d’une
telle puissance ? Le lendemain, en fin d’après midi, en route vers la Calabre,
le spectacle de l’Etna, sans un nuage est grandiose ; il crache
régulièrement une fumée blanche. Plus tard, dans la nuit, nous apercevons sur
son flanc sud est deux coulées de lave. Elles resteront visibles longtemps, à
plus de 25 milles. Quelle chance de naviguer dans ces conditions belles et
douces : je suis encore en short, la mer est d’huile et, en plus, nous
avons pêché une bonite ! Que peut-on rêver de mieux ? Des quarts tous
doux, un détroit de Messine sans vent fou et presque sans cargos et plein
d’étoiles égalent une nuit de mer comme on les aime. A 6 h, amarrage aux
pontons de Roccella Jonica : petite marina tranquille, encore gratuite
pour le moment. Nous allons en profiter d’autant plus que, Franco et Anna, amis
calabrais de Jean-François et Francine, vont nous faire découvrir leur
gentillesse nature, la cuisine locale et leur maison en construction sur les
hauteurs, entourée de cactus et d’oliviers. Soirée restaurant, un régal de
« stocco », morue conjuguée à tous les modes et avec amour par la
patronne et son équipe de ce petit village montagnard au joli nom de Mamamelli.
Le lendemain, barbecue organisé sur le quai par nos hôtes, avec de délicieuses
boulettes de viande cuites dans des feuilles de citronnier et du fromage
accompagné de confiture d’orange maison : mmm !
Après
ces agapes, nous voulions tous faire découvrir la Bretagne à nos amis italiens.
Après Roccella, Tamm Liorzhig a continué
seul la route, sans trop traîner direction Crotone : il faudra être à
Brindisi le 5 juin pour le départ de Robert et Paul, et pour l’arrivée de
Patrick.
On
dit souvent que les marins ne marchent pas : à l’expérience c’est faux,
car le ravitaillement nécessite souvent de l’énergie. Ici, le plus proche
commerce était à 3 Km et il m’a fallu faire 12 Km avec mon diable pour ramener
au bateau 30 L de gasoil.
Pour
l’instant, nous approchons de Gallipoli (NE du golfe de Tarente; en photo ci dessous), en cette fin
de journée, vent de travers, 7 nœuds, sous spi et mer plate. Tamm Liorzhig y
restera pour deux jours de découverte de
cette vieille ville, avant de gagner la pointe NE de Santa Maria di Leuca.